Dieu. Croire. Non. Jamais Cam n’avait été croyant ; quand nous sommes une créature surnaturelle qui n’en a rien à faire de Dieu ou du diable, vous croyez en une seule chose : vous-mêmes. Et pourtant, depuis qu’il était jeune, Cam, sa sœur et ses parents avaient toujours été à la chapelle, comme pour se donner une image de ce qu’ils n’étaient pas. Mais comme leur répétait sa mère : ils étaient meilleurs que les autres, mais il ne fallait pas non plus réveiller la jalousie desdits autres. Et ils vivaient dans cette Amérique puritaine et improbable, où la pornographie se mêle aux icônes saintes, où Madonna apparaît crucifiée dans ses spectacles.
À côté de sa sœur Lisbeth, leurs chevelures rousses détonnant au milieu de la marée de bruns et de blonds, Cam finit d’écouter le sermon du prêtre et se signa respectueusement quand il bénit l’assemblée. Ne pas être croyant, mais être parfait. Une parfaite illusion de ce qu’il n’était pas. L’homme se leva et aida sa sœur à faire de même. Un regard au dehors ; le soleil commençait à se coucher, la messe du dimanche soir ayant été dite.

« Tu viens souper, tantôt ? Maman te réclame à grands cris.
- Je ne sais pas, dit-il avec un sourire. Mais… gardez-moi un peu de tout, au cas où.
- Elle a même acheté ton champagne préféré, pour t’appâter, mentionna la jeune femme en riant.
- Allez, file. Je vais rester encore un peu. »

Liz se pencha et l’embrassa sur la joue ; oui, se penche. Il n’avait jamais été bien grand pour un homme et sa sœur le dépassait de presqu’une demi-tête, fière et belle de sa haute stature de mannequin. Camille lui rendit son baiser et la regarda quitter la chapelle, comme tout le monde autour de lui. Bientôt, il resta seul dans le lieu saint, avec seulement le prêtre à l’avant, rangeant hosties et calice. Un signe de tête pour saluer l’homme et il se dirigea vers les bougies allumées sur un des côtés de la chapelle, le droit. Fixer en silence les petites flammes qui dansaient sous ses yeux, se demander s’il devait allumer un cierge par politesse. Son image d’ambassadeur lui demandait d’être pieux, magnifique, vertueux, mais tous savaient pertinemment quand dans ce visage charmeur se cachaient des yeux de serpent, filous. Le naga fouilla dans ses poches et sortit le montant demandé pour allumer un cierge ; il allait le faire. Un cierge pour protéger sa famille.
Il ne croyait pas en Dieu, mais il faut toujours protéger ses arrières.
À l’instant où il tendit la main pour prendre un bâton pour allumer son cierge, il s’immobilisa. Une odeur. Les nagas n’avaient pas une ouïe surnaturelle comme les loups-garous, mais ils compensaient extrêmement par un odorat très fin. Il ramena lentement sa main vers lui, ne bougeant pas de son endroit. Quelqu’un. Un vampire. L’odeur était impossible à dissimuler, cette absence d’odeur étrange, ce fumet de sang, ces traces dans l’air qui arrivaient si facilement aux narines des carnivores. Camille tourna la tête lentement vers la gauche, espérant y rencontrer la personne qui portait cette odeur.
De toute façon, il ne pouvait se faire mordre par ces bestioles. Tout le monde sait que les nagas ont le sang-froid ; peu alléchant.